UNE DEMARCHE ARTISTIQUE

La relation avec le lieu
Avec la sculpture d'arbre, je ne représente plus la nature, je la présente.
Je la présente à travers des idées, des concepts portés par la matière de l'arbre.
Mais cette dimension conceptuelle se renforce d'une dimension contextuelle.
Créer dans un lieu, c'est aussi créer avec ce lieu et pour ce lieu : l'œuvre est liée à l'environnement. C'est reconnaître la force de ce lieu, sa structure, son environnement, la vie qui s'y passe, la charge de son histoire. Tout cela me demande de ne pas y imposer des œuvres. Si celles-ci peuvent être autonomes, elles sont ici prétexte à autre chose, à une autre dimension. Il s'agit de créer un dialogue, de revisiter le lieu, de lui apporter un nouveau regard, une nouvelle réflexion. L'œuvre fait voir le lieu et le lieu fait voir l'œuvre.
Le paysage, l'environnement urbain ou un espace intérieur sont le fruit d'une co-existence homme-culture-nature dans laquelle je veux éviter une attitude prétentieuse. L'art est dans le dialogue et non dans l'objet. Et ce dialogue s'installe quand œuvre et espace s'appartiennent mutuellement. Il me semble que œuvre et espace peuvent alors explorer ce sens toujours inconnu que porte la Nature.
Investir un lieu public demande de prendre une position de retrait, faite d'usages, d'obligations, de logiques collectives, de services et de don.
Si je veux que le temps et l'histoire relient les choses, je dois m'inscrire dans l'histoire du lieu, m'en immerger comme artisan et en émerger comme artiste.

Un art contextuel et méditatif
L'art contextuel m'interpelle ne fût ce que pour aller au-delà de l'art pour l'art et du principe de son autonomie, et pour être davantage moyen que finalité.
Mais dans ce rapport direct entre oeuvre et réalité que cet art sous tend, je pense que sa portée ne sera que plus grande si, d'une manière ou d'une autre, les dimensions mythique, esthétique ou métaphysique (mes trois tics) y restent associées. Il est clair que ces valeurs créent un éloignement entre l'oeuvre et la réalité par l'idée de représentation symbolique et de contemplation, mais la relation en est que plus profonde. L'activité qui met l'oeuvre et le réel en relation, se prolonge et résonne dans l'oeuvre à contempler. C'est que je ne peux réduire la sculpture à un message. Le concept est porteur de l'œuvre mais il n'en est pas la source.
Cette position plus méditative provient sans doute aussi de ma démarche qui commence par la recherche de bois : une démarche partant de la terre, d'une matière banale le bois mort , de l'émotion liée au travail physique, de la sensualité, de l'exubérance et de la dureté de la nature, et surtout d'une position méditative qui tient autant de l'école philosophique et écologique que de l'école buissonnière.
Le cadre naturel implique tous mes sens et empêche de me scléroser dans des concepts ou un cadre conceptuel à sens unique. La sculpture d'arbre n'est pas un objet à message mais bien le fruit de la chlorophylle et de l'hémoglobine... Ce n'est pas sans raison que j'emploie les mots de "sculpture d'arbre" où "sculpture" contient autant l'idée d'objet que celle d'action et "arbre" est autant sujet que objet du verbe sculpter.

Le local et l'international
Mon travail va trouver sa source dans le tissus urbain ou rural et se fonde sur le désir de la rencontre. Le contexte dans lequel il va se réaliser m'est donc précieux: importance du lieu d'exposition (scénographie de l'espace), de l'environnement naturel (et de ses matériaux), de l'environnement rural ou urbain (et de ses habitants) et de l'environnement artistique.
C'est la pertinence du local.
Il y a aussi que la création artistique ne porte plus en elle même sa légitimité, que les grandes causes collectives, et donc aussi artistiques, ont disparues, que la solidarité artistique s'étiole, que le caractère international des événements n'est plus l'exclusive des grandes métropoles...
Ces questions me portent à explorer le lieu comme source de création. J'y suis moins porteur d'une spécificité nationale ou régionale que porteur d'une sensibilité à répondre au lieu de création.
Je suis simple et humble passant passeur pour révéler, éveiller, rêver, dépayser, repérer, évoquer, susciter, partager, ... Je suis passeur avec des moyens certes personnels mais passeur pour que l'habitant se reconnaisse dans ce que je propose. Je sens une force dans la création puisée dans le lieu, dans ce qu'il offre de son histoire, de ses matériaux, de ses habitants.
Si donc le local peut rayonner sur l'international, plutôt que l'international sur le local, c'est que je crois plus à l'énergie de la rencontre entre des sensibilités personnelles qu'à celle de la machine marchande et de ses drapeaux nationaux ou régionaux. L'art n'a pas de frontière et vole au dessus de l'espace et du temps.
La dimension humaine a sans doute de moins en moins de valeur dans notre société! Et que l'artiste calque son travail sur cette valeur n'est pas très « raisonnable »… Pourtant je reste persuadé qu'elle en est le fondement. L'art devient alors un pré-texte, un pré-ambule, un pré… de rencontre, sans barrières culturelles et sociales, un pré de reconnaissance de l'autre.
L'art touche là à son essence même, qui est d'aborder la condition humaine, la vie, l'amour, la mort.

LA SCULPTURE D'ARBRE, UNE PETITE PHILOSOPHIE

Ma sculpture d'arbre n'est peut-être pas grand chose mais elle est d'arbre.
Elle est une recherche qui n'aura pas de fin, pas de chef d'œuvre, pas d'aboutissement, pas de strapontin, pas de spéculation.
Parce que ce qu'elle cherche est de l'ordre du caché, du sacré, du silence : loin du bruit des choses. Comme des feuilles qui meurent pour avoir fait un arbre, pour avoir vécu une petite éternité …
Mais « Comme elles tombent bien ! » disait Rostand.
L'éternité est peut-être simplement une notion échappant au temps et à l'espace : un univers où l'air à respirer est partagé,
un univers auquel le cœur simple aspire,
un univers qui m'empoigne dans la vie et qui m'apprend à mourir,
un univers où toute la richesse de notre savoir et de notre pensée se trouve encore sublimée par l'innocence et la légèreté.
La légèreté se découvre dans la pesanteur. Elle n'a d'existence que dans le poids des choses, dans le mal de la chute, dans le mouvement brut de l'amour, dans la chaleur du sexe, dans la douleur du désespoir, dans le sang de la vie et de la mort, dans la folie du monde.
Alors la légèreté y trouve sa raison d'être, elle en émerge en indispensable contraire. Eveil, méditation. Loin de « comprendre » le sens du mystère, cette position « prend » plus modestement le sens du mystère (comme on peut épouser la direction de quelque chose).
Cette légèreté est une noce avec les sens, une porte ouverte sur le sens.
Elle est de l'ordre de l'enfance, de l'animal.
Il m'est difficile de discerner (et donc de concilier…) l'énergie brute, inconsciente, animale, sauvage, libre, … et l'intelligence raffinée, singulière, cartésienne, savante.
Mais ce lieu de court-circuits, de déchirements me semble être le lieu de l'art : entre cette énergie sauvage et cette intelligence, l'œuvre révèle à la fois le lien et le vide, le pont et le gouffre.
Cela révèle peut-être aussi la profonde fragilité de toute chose : l'équilibre (ou la vérité, la sagesse, l'amour, la beauté, …) n'existe pas mais n'est qu'une suite de déséquilibres toujours rééquilibrés.
Tout coule : παντα ρει. Le sens de l'arbre est dans sa sève.
Le sens de sa vie est dans sa mort, d'avoir semé la vie, d'avoir été léger dans le ciel et de se faire oublier dans la terre..
Etre léger : ne pas trop peser sur les choses et apprendre à les laisser vivre sans nous. Nous sommes passeurs parce que nous allons mourir.
Les sculptures d'arbre m'apprennent à mourir.
Elles sont passeurs de lumière.
Et si le sacré était simplement cette lumière, cette ouverture au monde sur laquelle on ne peut pas mettre de mot, ni de nom ?

Une conception de l'art

Si la dimension conceptuelle est profondément inscrite dans la sculpture d'arbre telle que je l'aborde, il reste que je veux éviter que le concept soit premier et que l'œuvre puisse être réduite à des mots. Il y a dans mon travail une jubilation dans le dialogue entre la matière et le concept tel que la recherche du sens ne peut faire l'économie des sens. La vanité de mes tentatives artistiques me paraît criante si elles se résument à une fonction de mise en abîme du questionnement dont la matière n'est plus qu'un véhicule illusoire de sens, un jeu d'énigmes pour initiés. A force d'analyser, décortiquer, inventorier, disséquer, nommer, mesurer, trier, identifier, … nous croyons posséder mais nous ne faisons que isoler et dessécher : nous avons perdu une vue pleine et profonde. L'art conceptuel fait partie de l'histoire et reste passionnant à plus d'un titre, mais en en faisant une religion, nous isolons au lieu de relier. La démarche m'apparaît fragmentaire et académique quand je veux l'appliquer comme une vérité en prétendant englober et avoir une vision globale de l'œuvre à réaliser. Je ne peux me contenter d'un art à programme soumis à une démarche mûrement réfléchie, conceptualisée, formaliste, cohérente et dogmatique. Ce monde là nie mon corps, mes sens, nie le tragique de l'existence avec l'irréversibilité du temps, nie mon être d'innocence qui ne s'éveille qu'aux choses humbles et simples.

C'est que l'arbre est devenu petit à petit un modèle de pensée, un concept en soi et me permet d'aborder la matière du bois à travers toute une série d'idées ou d'images que les projets portent en leur sein :

  • le point de vue symbolique (l'image orientale inversée de l'arbre, le pont entre les mondes chthonien et ouranien, l'image d'ascension menant à la connaissance, la fusion des quatre éléments, le rite du renouvellement cyclique, les forces du manifesté et de l'inspiré, …)
  • le point de vue scientifique (le mouvement de la sève analysé par la dendrologie, les principes de causalité de Pauli et Dirac, la physique quantique de Bohr, la cosmogonie et l'évolution de la vie, l'énergie photonique, la question des champs et de la matière de Heisenberg, …)
  • le point de vue philosophique et éthique (le jeu de la nature et de la culture, l'engagement de l'artiste bûcheron, les racines de l'identité, l'ontologie et le déterminisme de l'être, le lien avec notre environnement naturel, l'importance du mythe, la question de la mort et du sacré, …)
  • le point de vue artistique (la question esthétique, le lien avec la Nature, les questions contextuelles, d'intégration, d'installation et d'architecture, le dialogue entre matière, forme et concept, l'art concret du bois en réponse à la figuration et à l'abstraction, …).

Ces concepts là, je cherche à ne pas les plaquer et à les afficher pour donner une quelconque valeur à ma démarche : ils sont sous-jacents, en font partie intrinsèque, la nourrissent mais ne sont pas la source de l'œuvre. Mes idées sont comme les feuilles de l'arbre : elles nourrissent la pensée et meurent au profit de celle-ci. Et c'est la Pensée qui doit guider l'œuvre et non les idées. Les idées s'étiolent , la pensée s'étoile. L'art pour l'art nous a permis de nous défaire des jougs religieux, sociaux, politiques, … Ce n'est pas pour ensuite se subordonner au monde des idées (ni au monde de l'argent). Je veux me laisser guider par le sens (la pensée) et les sens (le corps) dans une démarche organique.
Cette vision des choses me pousse à privilégier la pensée en acte plutôt que les idées érigées en système. La nature reste agissante en moi : c'est la Nature naturante qui fait de l'arbre un modèle de pensée. La beauté y est une vertu de l'objet de bois, objet sensible et signifiant : le concept se signifie dans le sensible.
Cette conception m'éloigne aussi de toute préoccupation à créer du nouveau.
Ma démarche ne cherche pas l'originalité. Elle est plutôt originelle à l'arbre et à ma façon de révéler son vécu. Je ne cherche pas le particulier, qui est d'être « à part » et original, mais bien le singulier qui s'adresse à tous et pourrait rejoindre un peu l'universel. Comme ce vieil arbre creux qui fait le vide en lui, se délaisse de vieilles branches et prend le temps pour s'ouvrir au monde. C'est là une singularité bien simple et anonyme, c'est un peu mourir à soi-même, se centrer sur le peu, n'avoir plus que l'essentiel pour espace, essayer de prendre racine dans les étoiles. C'est aussi traduire, non pas ma petite tragédie personnelle mais bien celle de la condition humaine. « L'élément nouveau » n'existe que dans une vision dogmatique. Et ce qu'en sait l'intellectuel, il l'a pris dans les livres et les foires d'art. Si ma démarche se nourrit beaucoup de concepts, ce que je cherche n'y sera jamais isolé ni isolable, mais plutôt au fond de moi, sur un chemin à tâtons, sans guide, avec l'humilité de ne pas savoir si je suis dans le vrai.
Je ne peux considérer la sculpture d'arbre comme chose à renouveler car elle est intimement liée à ma recherche : non pas comme simple matière subordonnée à une forme à sculpter mais bien parce que sa forme y est inhérente et devient par là source de pensée. L'arbre en tant que concept-matière me permet d'habiter la logique scientifique sur le sens de la vie : la sculpture répond aux questions établies, résolues ou non. La dimension sacrée, sacrée par ce qu'elle touche aux fondements même de l'être, n'est pas niée par la logique scientifique mais plutôt confortée. C'est que la dimension sacrée ne transcende pas la matière, elle y est inhérente, rémanente. Par cette logique, je revendique l'arbre comme matière à révéler des concepts nouveaux, et comme matière à intégrer des technologies nouvelles. Je revendique l'arbre et la dendrologie comme matière conceptuelle et métaphorique portée sur la condition humaine. Et toujours m'appuyant sur la connaissance scientifique, je revendique l'arbre comme matière à révéler la relation symbiotique de tout être avec la nature et irréductible au concept et au contrôle de la pensée cartésienne. Je revendique l'arbre comme matière à révéler les lois de la vie, de la naissance à la mort, un théâtre de lumière et d'humus. Je revendique l'arbre comme matière à révéler la vie par la richesse de l'innocence (« inoscere ») et d'une perception personnelle, confuse, sauvage (« silva ») et esthétique de la nature.

Ce n'est donc ni la connaissance ni le concept dont je me méfie mais leur subordination au discours dogmatique et matérialiste. La grande catastrophe de l'être humain est de considérer l'arbre (comme l'art) dans une dimension utilitaire, réductible au projet et au profit , réductible à une logique de production. L'art est inutile et c'est ce qui le rend précieux. Comme l'amour. Ils sont découverte et déchirement de soi, de soi vers la nature, de soi vers l'autre. Ils sont expression d'une sensibilité au monde et d'une connaissance de ce monde. Ils sont création.
Si mon travail pose la question du sens de la nature et de la vie, il le fait avec des préoccupations actuelles : les sciences contemporaines, la ruralité et l'urbanité, l'art conceptuel et contextuel, l'évolution de la vie dans l'univers. De la même manière que je ne représente plus la nature mais que je la présente, je ne représente plus des concepts sur cette nature mais je les présente tout simplement par la matière même. Et c'est dans cette mesure que le sens de l'œuvre devient celui de la nature, sens et sensibilité à la fois scientifiques et sacrés. Du coup l'esthétique de l'œuvre (qui reste très présente par la séduction de la matière) nous emmène dans une contemplation de cette nature autant que de l'œuvre qui la dévoile.
L'acte artistique s'y révèle aussi précieux que l'œuvre même. Parce que l'objet est trop souvent réduit à sa valeur financière (comme notre monde voudrait d'ailleurs réduire toute chose : à sa marchandisation). L'acte artistique s'inscrit dans une relation au monde, et sa logique n'est pas dans le nouveau, mais dans « l'autre ». Il n'est pas tourné vers l'avenir mais vers l'inconnu. Je ne cherche pas « la » réponse mais une réponse qui soit mienne. Exposer c'est d'abord s'exposer au vent de l'être, au mouvement, à une pensée plus « quantique » que cartésienne, c'est prendre humblement racine dans les étoiles.

L'exposition, une démarche de jardinier

Si je parle de jardin, me voilà d'emblée bien loin des musées et galerie. Autant je les fréquente avec bonheur, autant je ma place ici dans un autre contexte, loin de ces espaces clos et hermétiques (trop souvent avec vide d'air). Je ma garderai bien de bouder ces espaces d'exposition, car ils peuvent accueillir des œuvres autonomes de tout lieu. Ces œuvres ont une valeur en soi, sans référence ni dépendance à aucun lieu, rayonnant par elles-mêmes. Mais ce sont là des œuvres de compositeur plus que de jardinier.
La démarche contextuelle est toute autre. Pour exposer dans, avec et pour un lieu, je cherche à reconnaître la force du lieu, sa structure, son environnement, la vie qui s'y passe, la charge de son histoire.
Tout cela me demande de ne pas y imposer des œuvres (comme des ogm).
L'art est dans le dialogue et non dans l'objet. Et j'ai l'impression que ce dialogue s'installe quand œuvre et espace s'appartiennent mutuellement. Oeuvre et espace peuvent alors explorer ce sens toujours inconnu de la Nature (mais j'en ai quand même une petite idée…).
Du coup la beauté de l'œuvre, sujet inépuisable et finalement incernable, se situe aussi dans son appartenance au lieu.
Chercher cette beauté-là me demande non seulement de tenir compte de l'espace pour qu'il révèle l'œuvre, mais encore de révéler l'espace par l'œuvre, ou plus encore, c'est créer une œuvre pour cet espace.
Me voilà amené à m'imprégner du lieu, à le penser, à le cultiver. Comme un jardin. Pour en faire notre jardin, parce que le lieu ne m'appartient pas, il est collectif. Il s'offre à la méditation et à la rencontre.
S'il y a œuvre à voir, c'est d'abord un espace à vivre.
La notion de jardinier permet de mettre l'accent non plus sur les fruits de la terre cultivée mais bien sur celle-ci qui les engendre. C'est en sondant et en fertilisant les profondeurs que le jardinier permet à cet humus de donner la vie. Les fruits n'en sont que la conséquence.
Le lieu d'exposition est ainsi aussi lieu d'humanité, humus de vie. Quand je veux comprendre un lieu, ses espaces et ce qui s'y vit, je dois m'en immerger et ensuite en émerger : la sculpture est un peu la plante du jardinier. L'œuvre est fruit du lieu, elle lui appartient. Et comme jardinier, je n'y suis que humble passeur pour le révéler, le cultiver. Et il n'y a pas d'œuvre sans donner du temps au temps du lieu investi, il n'y a pas d'œuvre sans générosité, pas d'œuvre si on prend plus qu'on ne donne, pas d'œuvre sans l'éthique du jardinier.
L'œuvre d'art, à valeur spéculative, n'y a pas vraiment sa place. Ce n'est pas que l'objet d'art créé pour le lieu n'a aucune valeur en soi, mais je cherche davantage son pouvoir d'enchantement que sa valeur d'éternité. De la même façon que la feuille d'arbre peut mourir après avoir nourri l'arbre.
Ce pouvoir d'enchantement, c'est le chant de la sève dans le jardin, c'est le chant de l'arbre dans le lieu d'exposition. Le chant résonne dans ce lieu comme dans un jardin à la fois ouvert et clos, accueillant et secret, interpellant et doux. Le jardin, lieu initiatique et de rencontre, devient chapelle sauvage. Me mettant dans la peau du jardinier, cette nouvelle façon d'être ajuste ma façon de voir les lieux et d'y considérer l'œuvre : celle-ci y est un pré-texte, un chant de feuille, un don, un lien avec l'autre, un lien entre l'âme humaine et l'âme du monde.
Le lieu d'exposition devient une chapelle de sculptures où je cherche à cultiver cette âme comme un jardinier qui se ressource humblement dans la Nature.